À la fin de 2010, l’industrie nucléaire mondiale avait le vent dans les voiles. Les accidents aux centrales de Chernobyl et de Three Mile Island étaient tombés dans l’oubli, et la Suède et l’Allemagne avaient annulé leurs plans pour fermer de façon anticipée leurs centrales nucléaires. Les premières nouvelles centrales nucléaires construites en vingt ans en Europe étaient en chantier en Finlande et en France et, à l’échelle du globe, quelque 400 autres centrales étaient planifiées.
Puis est survenue la catastrophe nucléaire à Fukushima. Contrairement à Chernobyl, cet incident a eu lieu dans un pays qui avait une excellente réputation en matière d'ingénierie - un endroit réputé pour sa gestion sécuritaire de l'industrie nucléaire.
Des manifestations contre l’utilisation de l’énergie nucléaire ont eu lieu à Francfort (ci-dessus) et dans d’autres villes d’Allemagne au cours des dernières semaines. « Atomkraft? Nein danke » signifie « Le nucléaire? Non merci! ». Photo : iStockphoto
En prenant des décisions à long terme de manière réactive plutôt que préventive, la classe politique a fait volte-face exactement comme elle l’avait fait après le désastre dans le golfe du Mexique. En Allemagne, au bout de quelques semaines seulement, la chancelière Merkel, auparavant ouvertement favorable au nucléaire, a annoncé un plan national de vérification de la sécurité et la fermeture des plus vieilles centrales nucléaires. Cette mesure a été suivie d’un ordre de fermeture applicable à toutes les centrales d’ici 2022 (la Suisse lui a emboîté le pas depuis).
Pour être honnête envers madame Merkel, le nucléaire est depuis longtemps un sujet épineux en Allemagne en raison de la force des Verts dans ce pays. Au cours de 20 dernières années, la proportion d’électricité produite à partir de l’énergie nucléaire en Allemagne est tombée de 32 % à 23 % (sans tenir compte cependant des importantes importations d’électricité en provenance de la France, où l’électricité provient à 75 % du nucléaire).
L’écart a été comblé en investissant massivement dans les énergies renouvelables, en particulier le solaire et l’éolien qui comptent maintenant pour 17 % de la production totale d’électricité en Allemagne. Madame Merkel veut porter ce taux à 35 % d’ici 2022, tout en réduisant les émissions de GES de 40 %. Le défi est de taille puisque 40 % de l’électricité produite en Allemagne vient du charbon, le combustible dont l’intensité carbonique est la plus élevée, et – loin de diminuer – cette proportion est à la hausse.
L’industrie naissante du gaz de schiste en Europe pourrait être la solution. Avec ces gisements, l’Europe, comme les États-Unis, dispose en effet de réserves de gaz potentiellement abondantes et économiques qui pourraient répondre à ses besoins d’énergie pendant la fermeture prochaine de ses centrales nucléaires.
Cette perspective est toutefois alarmante pour les Verts en Allemagne dont le rêve d’une économie basée à 100 % sur les énergies renouvelables est en péril, en raison de cette abondante ressource qui, en plus d’émettre encore des GES, est plus compétitive, même sans subventions, que les énergies solaire et éolienne. Le subventionnement des énergies renouvelables a d’ailleurs fait l’objet d’un article intéressant publié récemment dans le journal Guardian.
Nous pouvons tous tirer des leçons de l’expérience de l’Allemagne en ce qui concerne l’évaluation des sources d’énergie et la prise de décisions politiques pour notre avenir énergétique.
Dans des numéros antérieurs, nous avons souligné l’importance d’une stratégie énergétique nationale afin de planifier la production et l’utilisation de l’énergie. Les réactions aux événements sont inévitables, mais elles nuisent à l’élaboration d’une stratégie.
En conclusion, vous voulez un conseil? Soyez prêts pour encore d’autres volte-face énergétiques.
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