Les projets de pipelines Northern Gateway et Keystone XL qui n’en finissent plus d’alimenter la controverse ont relancé le débat sur la grande question à savoir si l’Alberta devrait raffiner son pétrole brut sur place ou l’exporter tel quel.
Des installations de Suncor transforment le bitume en pétrole brut synthétique à valeur ajoutée et en carburant diesel.
Dans un article probant sur le sujet, le cabinet d’avocats canadien Gowlings présente deux écoles de pensée. Il y a, d’une part, ceux qui croient que les activités de traitement ajoutent de la valeur à la matière première et créent des emplois à long terme et qu’elles doivent, par conséquent, être retenues en Alberta dans la mesure du possible. C’est l’option de la valorisation en Alberta. Et il y a, d’autre part, ceux qui pensent que de nouvelles installations de valorisation ne doivent pas être construites en Alberta puisqu’il y a déjà assez de capacité aux États-Unis, près des grands marchés. Ces derniers estiment que les capitaux nécessaires à la construction de nouvelles usines de valorisation seraient mieux employés à d’autres fins plus lucratives. C’est l’option de l’économie de marché.
Le débat s’articule autour du fait que la mise en valeur des sables pétrolifères produit du bitume, une substance semblable au goudron, beaucoup plus visqueuse que le pétrole lourd et qui doit être valorisée avant que les raffineries ne puissent la traiter. Cette valorisation consiste à transformer le bitume en fractions légères dont on a aussi retiré l’acidité et le soufre excédentaires. Elle nécessite beaucoup de chaleur et parfois de l’hydrogène, et permet de produire un pétrole brut synthétique qui peut être traité dans les raffineries pour obtenir des produits finis comme le mazout domestique, l’essence, le carburéacteur et les lubrifiants.
Traditionnellement, les usines de valorisation de l’Alberta ont été intégrées aux installations d’extraction minière des sables pétrolifères et in situ. Suncor, par exemple, exploite deux usines intégrées à Fort McMurray et une troisième usine, dont elle partagera la propriété avec Total E&P Canada, est en construction.
Une usine de valorisation est une installation extrêmement complexe et coûteuse. C’est un établissement gigantesque dont les coûts de construction peuvent atteindre plusieurs milliards de dollars.
Le gouvernement provincial a choisi son camp : celui des partisans de la valorisation sur place. Il vient de lancer le programme Bitumen Royalty in Kind (BRIK) ou redevances en nature, en vertu duquel Suncor et d’autres producteurs paieraient des redevances, vous l’aurez deviné, en nature plutôt qu’en argent. Ainsi, les redevances de bitume en nature deviendraient propriété de la Couronne et devraient obligatoirement être valorisées en Alberta. Le programme BRIK a justifié la décision de North West Upgrading de construire une usine de valorisation à l’échelle commerciale près de Redwater, en Alberta.
Reste à voir si d’autres installations de valorisation s’implanteront en Alberta ou si la plus grande part de l’activité de valorisation aura lieu surtout à l’étranger grâce à la construction de nouveaux pipelines. Tout dépendra de la conjoncture économique, des politiques des gouvernements et des stratégies des entreprises d’exploitation des sables pétrolifères. De toute façon, il est tout à fait sain qu’un tel débat ait lieu car il met à contribution des intervenants bien informés et, espérons-le, devrait déboucher sur la meilleure solution.
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