À notre avis, c’est en écoutant et en comprenant les perspectives des autres que l’on prépare un meilleur avenir. Cette semaine, nous avons demandé à Michal C. Moore, professeur et agrégé supérieur de la School of Public Policy, Université de Calgary, de nous communiquer sa perception des combustibles carbone inutilisables – expression qui fait référence aux réserves de combustibles fossiles qui, si elles étaient utilisées, entraîneraient de dangereux changements climatiques.
Tester les limites de la demande
On m’a demandé de commenter le concept de « combustibles carbone inutilisables », expression techniquement imprécise qui suscite les réactions et qui est largement utilisée dans divers débats publiques. L’idée même de laisser dans le sol une quantité de combustibles d’hydrocarbures brûlables afin de limiter les concentrations de gaz à effet de serre et d’améliorer la qualité de l’air ne manque pas d’attraits. Dans le débat, toutefois, nous ne devons pas perdre de vue que la production et le transport d’énergie entraînent inévitablement la création de déchets. Cela dit, est-il justifiable d’exploiter des substances pouvant fondamentalement modifier le climat et la qualité de vie?
La réponse saute aux yeux; depuis plus d’un siècle, nous avons construit une société autour de ressources d’énergie thermique. Ces ressources sont nombreuses, peu dispendieuses et relativement bien réparties sur la planète. L’ironie, c’est que la consommation de pétrole brut, apparemment sans restriction, ressemble à un grave péché – la gloutonnerie –, c’est-à-dire consommer inutilement plus que ce dont on a besoin.
Tout compte fait, pourquoi gaspiller? Dans le cas des combustibles à base de carbone, notamment dans le cadre de notre infrastructure actuelle, nous en avons besoin pour alimenter une foule d’appareils et de moteurs utilisés commercialement. Aux yeux des économistes, la surconsommation implique que le prix de ces ressources est trop bas. Non pas qu’il faille les payer plus cher, mais nous ne payons pas le plein prix des externalités, comme les émissions.
Produits dangereux
Le choix de la voie à suivre fait l’objet de débats chauds et passionnés. Pour les opposants à l’utilisation totale des ressources, les sables pétrolifères, notamment, devraient rester dans le sol. C’est bien, mais en fin de compte, classer les dérivés des sables pétrolifères ou le charbon comme des produits dangereux ne devant pas être mis en valeur malgré l’incessante demande mondiale pour les carburants et les produits chimiques, comme les combustibles carbone inutilisables, est attrayante, simpliste et erronée.
Techniquement, les ressources pétrolières non conventionnelles seront mises en valeur en temps opportun lorsque les paramètres économiques, politiques et technologiques seront les bons. Ultimement, la société se révoltera si nous produisons de manière ingrate et avec beaucoup de gaspillage. Changer les prix et appliquer des règlements stricts et constants amèneront l’industrie à trouver des solutions de rechange. Modifions la demande de combustibles liquides pour nos moyens de transport et plus de véhicules seront dotés de motorisation électrique.
Habitudes de consommation d’énergie
Concrètement et à court terme, la majeure partie de l’énergie que nous utiliserons continuera à provenir des combustibles fossiles. Nos réseaux électriques et routiers ne se transformeront pas du jour au lendemain et à peu de frais. Les combustibles carbone inutilisables font fi des décisions difficiles : les consommateurs devront examiner les répercussions de leurs habitudes de consommation d’énergie.
Nous devons également nous préoccuper de contrôler les externalités; c’est d’ailleurs pourquoi nous avons des autorités de réglementation et des normes. Nous disposons d’un processus pour discuter de nos émissions de carbone, les gérer et en fixer les limites. Toutefois, ce processus stagne lorsqu’une polémique volontairement antagoniste et trompeuse déforme la responsabilité et nuit aux échanges d’idées ainsi qu’au débat rigoureux.
Revenons au véritable problème : quels objectifs de politique publique se fixera la société en tant que communauté internationale et quel prix sommes-nous prêts à payer pour les atteindre?
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